Les traces glaciaires aux alentours de Vebret

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Michel Bhaud
(15240 Vebret)

Michel BHAUD est aussi le directeur de publication  et un des auteurs d'un site hébergé par "cybercantal" nommé :

« CANTAL : SCIENCE ET ENVIRONNEMENT » ou

 « FAIRE CONNAITRE  ET EXPLIQUER »

Adresse du site : http://geo.cybercantal.net/php/

 

Introduction

 Photos

Deux formations principales dans la région :

 
  Un socle ancien Vers la carte des sites glaciaires
  Une formation volcanique

L'action des glaciers

Vers les 12 illustrations 
  Les vallées « sèches » Photo 01
  Les chenaux d’évacuation  
  Les blocs erratiques Photo 02, photo 03, photo 04, photo 05
  Les paysages avec roches moutonnées Photo 08, photo 10, photo 11
  Les roches striées. Photo 06photo 07, photo 09
     
  Différence de structure entre les blocs erratiques et le substratum qui les supporte. 5 photos
   

Un glacier à 450 m d’altitude : Est-ce possible ?

 
     

 

L’action des glaciers dans cette zone d’altitude relativement faible, n’est pas reconnue par nos contemporains. On parle beaucoup plus du volcan de Chastel-Marlhac, du trachyte de Menet, du chicot basaltique de Saignes, des Orgues de Bort que des glaciers de la basse Sumène. Cependant de nombreux signes ne trompent pas : la vallée de la Sumène et spécialement sa partie moyenne qui intéresse notre commune, présente des témoins de l’action glaciaire : reliefs particuliers, existence de vallées sans eau apparente, nombreux blocs erratiques, paysages « moutonnés », traces de moraines, dépressions humides....

Avant de décrire ces témoins, il est nécessaire de replacer l’effet des glaciers dans la suite des différentes étapes qui constituent l’histoire géologique de ce secteur du nord Cantal. Cette histoire n’est pas différente, dans ses grandes lignes, de celle de l’ensemble du massif du Cantal. La zone du Nord Cantal est constituée de deux types de formations : un socle ancien sur lequel s’est édifiée une formation volcanique. Cette double structure a ensuite été modelée par les rivières et les glaciers. Développons ce schéma plus en détails.

Les terrains anciens sont bien visibles dans le Nord Cantal, en particulier dans les vallées lorsque l’érosion a été suffisante pour déblayer la formation volcanique superficielle. Ils sont aussi naturellement visibles lorsque les volcans ne les ont pas recouverts. Ces terrains anciens appartiennent à deux catégories : les roches métamorphiques et les granites. C’est en réalité la même transformation qui conduit aux roches métamorphiques puis aux granites. Les premières correspondent à une transformation partielle d’anciennes roches sédimentaires sous l’action d’une augmentation de pression et de température et donnent des micaschistes et des gneiss ; les granites se forment lorsque la transformation est assez intense pour permettre la fusion des roches métamorphiques. Les granites de notre région ont un âge de 300 millions d’années.

Au cours de l’époque tertiaire -il y a approximativement 30 millions d’années- des fossés d’effondrement et des lacs se forment; ils sont rapidement remplis de sédiments. A Arches les restes d’argiles tertiaires sont bien visibles au front d’une carrière.

A partir du milieu du tertiaire (il y a 13 millions d’années) le volcan du Cantal s’édifie pour constituer un massif, le plus vaste d’Europe, de forme approximativement circulaire de 60 km de diamètre ; son histoire principale se termine vers –2 millions d’années par la formation des coulées de basalte qui constituent les planèzes.

Cet ensemble est ensuite modelé par l’action des glaciers qui fait apparaître la morphologie actuelle ; la fin de la période la plus récente de l’action glaciaire se situe entre 12000 et 15000 ans. Les glaciers étaient très importants par leur surface et constituaient une coupole sans doute très irrégulière qui masquait le relief sous jacent. Vebret constitue un point relativement bas (476m) atteint par les glaces formées plus en hauteur. Un autre point de plus basse altitude (400m) à proximité de Saint-Thomas a aussi été atteint par les glaciers.


A l’époque du dernier maximum glaciaire, la vallée de la Sumène faisait partie d’un ensemble important recouvert de glaces qui formaient une sorte de carapace très irrégulière sur l’ensemble du Cantal, du Cézallier et des Mont Dore. Pour ce qui concerne l’axe de la Sumène, (Sumène proprement dite et Soulou) les glaces prenaient leur origine dans le secteur de Riom-ès-Montagnes. Les dépressions étant comblées, le mouvement superficiel ne répondait pas nécessairement à la morphologie du relief terrestre. Le mouvement des masses de glace dépendait des forces en présence considérées à une échelle régionale. Ainsi la carapace du Cantal, dans sa limite nord (région de Trizac) était influencée dans son mouvement par celles formées plus au nord provenant de l’Artense. Les glaces formées au nord de la Rhue ont exercé une poussée orientée vers le sud ou le sud-ouest donc vers la Sumène : elles ont vraisemblablement débordé en plusieurs endroits qu’il est possible d’identifier encore de nos jours. Ces passages constituent les vallées sans rivière ou vallées mortes et les chenaux d’évacuation. En fait c’est par commodité que les glaciers sont désignés par le nom de la rivière actuelle. Ce ne sont pas des langues glaciaires empruntant un thalweg déjà préparé à les recevoir, mais plutôt des extensions périphériques plus ou moins marquées, d’une masse de glace occupant les plateaux supérieurs. Ces développements périphériques se déplaçaient dans des directions variables.

(Vers la carte de de cette région)


1) Les vallées « sèches »
Le trajet des glaciers n’a pas toujours emprunté les couloirs naturels de vallées déjà formées. Au maximum de la glaciation, ou lors d’une crue glaciaire, les masses les plus élevées pouvaient déborder latéralement et constituer un bras supplémentaire. Cette division en deux ou plusieurs bras porte le nom de diffluence. Cette expansion latérale pouvait rejoindre une autre langue glaciaire en position inférieure. Il est possible d’identifier encore de nos jours de tels passages qui constituent des vallées sans rivière ou vallées mortes. On peut en signaler deux.
De Cheyssac au Béal d’Antignac : (photo 01) ce passage en dépression est emprunté par la voie ferrée Bort-Neussargue ; il est caractéristique de l’action d’une langue glaciaire venant de la Rhue, probablement par débordement, et rejoignant le glacier de la Sumène.
Un autre exemple se situe entre Saint-Thomas et La Baraquette. La route Clermont-Aurillac emprunte cette autre vallée actuellement sèche qui faisait communiquer le glacier de la Rhue et la dépression de la Sumène à proximité de Saignes. Sur ce parcours, le trajet du glacier devait suivre, au moins sur une partie du trajet, un relief à contre pente ce qui est souvent observé sur le profil longitudinal d’une vallée glaciaire.


2) Les chenaux d’évacuation.
Ils se sont formés en fin de période glaciaire, lors d’une fusion importante de glace. A proximité de Cheyssac un tel chenal peut être observé en gagnant le village de Rochemont situé sur la crête séparant les deux vallées : Rhue et Sumène. La route qui conduit au village emprunte un thalweg caractéristique, qui remonte en amont à proximité du village donc en un point culminant. Cette entaille ne peut recevoir de plus haut un agent d’érosion. Actuellement elle ne montre aucun signe de vitalité et un petit filet d’eau plus nettement visible dans sa partie inférieure, peut être reconnu. La meilleure hypothèse est d’admettre l’existence d’une masse de glace qui en se retirant (en fondant) à été à l’origine du torrent de Rochemont. Ainsi ce ravin disséquant le flanc d’une crête représente le travail d’un ancien glacier, plus précisément, un diverticule latéral du glacier de la Rhue.
Un autre exemple peut être décrit au nord-est du château de Couzans en descendant de Fouliade vers Druls. Après avoir rejoint la route D 49 le trajet longe le flanc droit d’une vallée fluviatile parfaitement caractérisée. Cette vallée a un dénivelé proche de 110 m, de 620 m à son origine jusqu'à 510 m à son confluent avec la rivière Le Soulou. Cette entaille représente le résultat de l’action fluviatile lors de la fonte des glaciers et constitue un chenal d’évacuation.
Ces petites vallées ont probablement été initiées par le débordement glaciaire en un point bas d’une ligne de crête ; puis l’érosion glaciaire a amorcé d’un chenal ; ensuite, les chenaux ont été fortifiées par l’érosion fluviatile provenant de l’eau de fonte. Ces vallées sont toutes orientées N>S indiquant le trajet d’une masse de glace en cours de fonte vers une zone basse déjà dégagée et par conséquent moins importante. Cette disposition constitue un argument pour orienter la diffluence (ou débordement) de la Rhue vers la Sumène. A un moment donné de l’histoire respective des deux vallées, le niveau des glaces était, en limite sud de l’Artense, supérieur à celui du bassin de la Sumène.


3) Les blocs erratiques
On désigne sous ce terme des blocs de roche qui n’appartiennent pas au site sur lequel ils reposent ; ils y sont amenés par le transport glaciaire. Une preuve du transport de ces blocs peut être acquise par comparaison de la nature des blocs avec celle du substrat. Lorsque les blocs ont été transportés, leur nature ne correspond plus à celle du substrat. Ce n’est pas toujours vrai et dans certains cas la preuve de la nature erratique d’un bloc est difficile à acquérir. Si par exemple le substrat, homogène sur une longue distance, est recouvert d’une langue glaciaire, un transport de blocs de même nature que le substrat peut se produire sans que, pour autant, le substrat change de nature. Dans ce cas la preuve du transport peut être apportée en s’assurant que le bloc en question n’est pas un éboulis (absence de falaise à proximité), qu’il n’est pas en continuité avec le substrat et qu’il est de taille suffisamment importante pour ne pas avoir été déplacé par l’homme.
Le secteur de Cheyssac est très riche en blocs erratiques : ils sont situés, pour les plus spectaculaires, dans le triangle limité par les carrefours de Cheyssac, Le Béal et Pourcheret. Quatre rochers sont observables : à 100m du carrefour de Cheyssac sur la route de Saignes (photo 04), (photo 05) ; -à 400m du carrefour de Cheyssac sur la route d’Antignac, à hauteur du hameau Le Clos à droite en direction des habitations (photo 02) , (photo 03) ; d’autres blocs sont encore visibles au débouché de la route de Champs sur la transvolcanienne, à gauche en direction de Riom-ès-Montagnes .

(Vers la structure des roches constituant les blocs erratiques et le substratum.)

Dans les zones les plus basses, les blocs sont moins visibles ; après leur dépôt ils ont été ensevelis par les formations dites fluvioglaciaires, représentées par les matériaux transportés par les glaciers puis repris par les cours d’eau. Un exemple particulièrement spectaculaire est constitué par un bloc de basalte (photo 12) mis à jour lors de l’extension du cimetière de Vebret. Ce bloc témoigne par sa forme quasi sphérique d’un roulage sur une grande distance. Il mériterait d’être mis en évidence en un lieu moins confidentiel.

4) Les paysages avec roches moutonnées :
Les roches moutonnées présentent un aspect caractéristique qui permet de reconnaître le sens de déplacement du glacier. Le relief du côté amont, bord d’attaque du glacier est lisse, émoussé à faible pente, alors que le côté aval est plus abrupte, plus chaotique et le poli moins marqué (photo 08). La région de Verchalles est caractéristique à cet égard (photo 10) (photo 11).


5) Les roches striées : 
Lors de son lent déplacement le glacier n’est pas inactif. Les blocs de roche entraînés sous la glace constituent la moraine de fond. Par leur mouvement, ces débris provoquent une abrasion énergique de la roche en place, d’où l’apparition de stries. En fonction de la dureté relative des roches, ce peut être le contraire et ce sont alors les blocs transportés qui sont striés. 

D’autres témoins de l’activité glaciaire peuvent aussi être signalés. Paradoxalement, les clôtures anciennes constituées de blocs de pierre plus ou moins arrondis sont aussi des témoins glaciaires. Ces blocs, mis en place au sein d’une pâte hétérogène, la matrice, constituaient à l’origine une ancienne moraine ou le résultat d’un épandage fluvioglaciaire. Les blocs les plus superficiels ont été rassemblés par les hommes et accumulés en murettes ou en amas circulaires. (photo 06)
(photo 07) , (photo 09)


En résumé, sur le territoire de la commune de Vebret, s’est produit le contact de glaces d’origines géographiques différentes : d’une part les glaces venant de l’est, (approximativement la région de Riom) et d’autre part les glaces accumulées au nord de la Rhue, formées dans le grand amphithéâtre constitué par les Monts Dore et le Cézallier. La plus grande partie se dirigeait vers la Dordogne mais le barrage constitué par la colline phonolitique de Bort, a entraîné une accumulation puis un débordement vers le sud. La confluence des glaces provenant de ces deux directions est encore reconnaissable à proximité de Cheyssac et de Verchalles.

(Vebret, août 2003)


 


Un glacier à 450 m d’altitude : Est-ce possible ? Un glacier ne peut se former et persister d’une année à l’autre qu’au-dessus de la limite inférieure des neiges permanentes. En revanche sa partie terminale peut se situer au-dessous de cette altitude. Actuellement dans les Alpes, le glacier des Bossons se termine vers 1300 m d’altitude alors que l’altitude des neiges persistantes est proche de 2800 m. L’accumulation de glace en un point donné dépend de deux phénomènes indépendants jouant en sens inverse :
1 : l’alimentation qui dépend de la distance à la source (le cirque glaciaire) et du relief qui supporte la glace ; le profil plus ou moins prononcé de ce relief entraîne une vitesse variable du déplacement de la glace ;
2 : la disparition par fusion qui dépend de la température ambiante.
Les combinaisons de ces deux séries de facteurs peuvent être nombreuses et certaines aboutissent au même résultat ; ainsi une fusion réduite combinée à une alimentation réduite peut avoir le même résultat qu’une fusion élevée compensée par une forte alimentation : dans les deux cas il y a conservation de la masse de glace et une zone relativement basse peut être englacée..

 

 


Version Avril 2004.


légendes des  I L L U S T R A T I O N S 

Fig.1. Une vallée “morte” entre Cheyssac et Le Béal (hameau situé entre Couchal et Antignac). Cette dépression empruntée par la voie de chemin de fer reliant Bort-Les-Orgues à Riom-ès-Montagnes, représente l’ancien trajet d’une langue glaciaire orientée grossièrement NO-SE. Cette vallée correspond soit à une diffluence du glacier de la Sumène vers le Nord-Ouest, soit à une diffluence prenant son origine dans la partie terminale du glacier de la Rhue, à proximité de Saint-Thomas, en direction de la Sumène. La direction probable correspond à cette dernière hypothèse ; nous le montrerons plus tard. C’est maintenant une vallée sans écoulement. Son tracé est parfaitement visible en direction des premières maisons situées au nord de Couchal. (12/2001).


Fig. 2. Les blocs erratiques du secteur de Cheyssac. Site en direction d’Antignac, à hauteur du hameau Les Clos, à droite en direction des habitations.


Fig. 3. Les blocs erratiques du secteur de Cheyssac. Site en direction d’Antignac, à hauteur du hameau Les Clos, à droite, en direction des habitations. Une recherche est actuellement en cours pour savoir si les parcelles ont reçu un nom en relation avec la présence de ces blocs.


Fig. 4. Les blocs erratiques du secteur de Cheyssac.
Site en direction de Pourcheret, à 100m du carrefour de Cheyssac. A comparer avec la figure suivante. Les deux illustrations correspondent à des blocs de nature bien différente. Ce bloc est de nature basaltique ; sur la Fig. 5 les blocs sont de nature métamorphique.


Fig. 5. Les blocs erratiques du secteur de Cheyssac. Site en direction de Pourcheret, à 100m du carrefour de Cheyssac. A comparer avec la figure précédente. Les deux illustrations correspondent à des blocs de nature bien différente. Alors que sur la Fig.4, le bloc unique est de nature basaltique, sur la Fig. 5 les blocs sont de nature métamorphique. Ces blocs (Fig. 4 et 5) sont situés dans la même parcelle de terrain.


Fig. 6. Les blocs erratiques du secteur de Cheyssac. Site en direction de Saint-Thomas, au niveau du col Sumène-Rhue, à l’est de la route. Remarquer d’une part les blocs de petite taille anciennement accumulés par l’homme au pied d’un arbre et d’autre part, à la lisière de la haie, d’autres blocs de plus grande taille récemment déchaussés à l’aide d’un matériel mécanique puissant ; détail donné en Fig.7. (Fig.6 : 3/2002).


Fig.7. Les blocs erratiques du secteur de Cheyssac.
Site en direction de Saint-Thomas, au niveau du col Sumène-Rhue, à l’est de la route. Détail de la figure précédente (10/2002).


Fig. 8. Les blocs erratiques du secteur de Cheyssac. Site en direction de Champassis, au sud de la route trans-volcanienne. Ici trois étapes sont reconnaissables dans la transformation du paysage observé à microéchelle. Le sommet du suc en dos de tortue témoigne de l’action du glacier qui a émoussé le relief. Ce suc représente une petite fenêtre d’observation de la roche en place. A gauche les blocs de petite taille (20-40 cm) témoignent d’un premier épierrage à la main. Le bloc le plus clair déposé au sommet, représente un nettoyage récent et plus complet du terrain réalisé à l’aide d’un matériel mécanique (3/2002). 


Fig.9. Secteur de Cheyssac. Site en direction de Champassis, au sud de la route trans-volcanienne. Transformation ultime du paysage glaciaire par l’homme avec suppression des murettes pour l’agrandissement des parcelles (3/2002).


Fig. 10. A proximité de Verchalles Soubro.
A remarquer quelques blocs erratiques et surtout les surfaces du socle à nu. 


Fig. 11. A proximité de Verchalles Soubro. Les dépressions humides, les sagnes caractérisent aussi le relief glaciaire. Photographie prise à faible distance, moins de 500 m, de la précédente.


Fig.12. Le bloc de basalte du cimetière de Vebret
. Mis à jour lors du terrassement de la seconde partie de ce cimetière ; altitude par rapport à la rivière : 12 m d’après IGN ; diamètres selon trois axes : 1, 1, et 1,6 m, volume approximatif : 1,6 m3 ; poids approximatif : entre 2 et 3 t.